Le chevalier de Sainte-Hermine Vous êtes ici : Accueil > Œuvre > Dictionnaire des œuvres
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Titre Le chevalier de Sainte-Hermine. Fait partie d'une trilogie comprenant également Les Blancs et les Bleus et Les compagnons de Jéhu.

Année de publication 1869-1870

Genre Roman

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1801-1809

Résumé En février 1801, une entrevue entre Bonaparte, premier consul, et Cadoudal, chef des chouans bretons, met fin à la guerre civile entre royalistes et républicains. Cadoudal se retire en Angleterre et libère de leur serment les compagnons de Jéhu, cette bande de gentilshommes dont la mission était de dévaliser les diligences transportant l'argent du gouvernement révolutionnaire pour financer la rébellion royaliste.

Parmi eux figure le comte Hector de Sainte-Hermine, dont la famille a été décimée par la révolution: son père guillotiné, son frère aîné Léon fusillé, son frère cadet Charles, chef des compagnons de Jéhu, guillotiné à Bourg en Bresse... En même temps que son titre de comte, il a hérité du flambeau de la vengeance familiale, plus par devoir que par réelle conviction.

L'arrêt des hostilités lui permet d'avouer enfin son amour à Claire de Senlis, protégée de Joséphine, l'épouse de Bonaparte. Cependant, alors que le mariage recueille l'approbation de tout le monde, y compris de Bonaparte qui prend très à cœur cette union, le comte de Sainte-Hermine disparaît brusquement au moment de la signature du contrat. Il est arrêté quelques jours plus tard, surpris lors d'une attaque de diligence avec les compagnons de Jéhu. Car des derniers ont été rappelés par Cadoudal, que des exactions commises en son nom (et orchestrées par Fouché, ministre de la police) ont fait revenir d'Angleterre pour déclarer la vendetta contre Bonaparte. Emprisonné, Hector de Sainte-Hermine obtient, grâce à Fouché, l'accord d'un Bonaparte courroucé et offensé, pour que le procès et la sentence s'exécutent sans que son nom soit cité. En contrepartie, il doit être fusillé dès le lendemain.

Outre la vendetta de Cadoudal, Bonaparte, suspecté de vouloir rétablir la monarchie à son profit, doit aussi faire face à un mécontentement général se traduisant par un attentat le visant, une conspiration des généraux Moreau et Pichegru puis la reprise des hostilités avec l'Angleterre. Une série d'arrestations s'en suit et a pour résultat la déportation de jacobins, l'exécution du duc d'Enghien et de Cadoudal, le suicide douteux de Pichegru et l'exil de Moreau. Le terrain est ainsi libre pour que Bonaparte se fasse déclarer empereur en juin 1804.

Pendant ce temps, jour après jour, durant trois ans, le comte de Sainte-Hermine a attendu la mort dans son cachot, jusqu'à ce que Fouché, assez influent pour avoir osé contrecarrer un ordre de Bonaparte, le libère en lui annonçant que le nouvel empereur l'autorise à vivre en tant que simple soldat dans l'armée, sans jamais en espérer d'avantage.

C'est sous le nom de René, qu'Hector de Sainte-Hermine, la mort dans l'âme et le désespoir au cœur, se fait engager par le corsaire Surcouf, avec l'espoir de se faire tuer en combattant. Mais ce n'est pas la mort qu'il va trouver sur son chemin mais plutôt la gloire. En effet, dans ses périples qui l'emmènent jusqu'en Birmanie où il raccompagne des cousines retrouvées par hasard aux mains des Anglais, il se fait remarquer par sa bravoure, sa force, son adresse, sa générosité, que ce soit dans les combats contre les animaux sauvages (requins, boa, tigres, caïmans...) ou dans ceux avec les hommes (pirates, brigands, Anglais...).

Fort d'une recommandation du gouverneur de l'île de France pour le capitaine du «Redoutable», vaisseau de la flotte française, il revient en Europe et participe à la bataille de Trafalgar pendant laquelle il tue l'amiral Nelson avant d'être fait prisonnier par les Anglais, de s'évader d'une prison irlandaise et de rejoindre Paris en 1806 où Napoléon, malgré ses exploits, ne lui pardonne toujours pas et refuse d'entériner les grades obtenus.

Fouché l'envoie alors à Rome puis à Naples où il va s'illustrer en venant à bout de brigands. Nous le retrouvons enfin en 1809 à Venise envoyé par l'empereur pour aider son beau-fils Eugène de Beauharnais à faire face à l'imminence d'une attaque autrichienne.

Analyse Il aura fallu attendre 135 ans pour que soit édité pour la première fois Le chevalier de Sainte-Hermine, grâce à un énorme travail de recherche puis de relecture et de correction réalisé par Claude Schopp.

Cette pièce manquante dans l'oeuvre de Dumas vient compléter la série consacrée à Bonaparte, qui comprend Les Blancs et les Bleus et Les Compagnons de Jéhu.

Peut-être à cause des sentiments partagés d'attirance et de répulsion que lui inspire Napoléon du fait des relations conflictuelles qu'il y a eu entre le père de l'auteur et le général Bonaparte (rappelons que le général Dumas a été un rival malchanceux de ce dernier, qui ne lui a jamais pardonné son opposition), il semble que Dumas ait eu du mal à écrire cette série.

En effet, il commence par écrire Les Compagnons de Jéhu en 1857, puis Les Blancs et les Bleus en 1867, soit dix ans plus tard, et enfin Le chevalier de Sainte-Hermine en 1869-1870, alors que dans la chronologie du récit Les Blancs et les Bleus viennent en premier (de 1793 à 1799 et le retour d'Egypte de Bonaparte), suivis par Les Compagnons de Jéhu (de 1799 à 1801 et la prise de pouvoir de Bonaparte qui devient premier consul jusqu'à la victoire de Marengo). Ce qui explique certaines absences et petites contradictions entre les trois romans.

Il est toutefois à noter que l'écriture du Chevalier de Sainte-Hermine était envisagée dans Les Blancs et les Bleus par cette petite phrase prononcée par Charles de Sainte-Hermine: «de même que mon frère aîné a hérité de la vengeance de mon père, de même que j'ai hérité de la vengeance de mon frère aîné, mon jeune frère héritera de ma vengeance à moi».

Mais pour ceux qui n'ont pas lu les deux romans précédents, l'auteur nous rappelle les éléments essentiels en reprenant quelques chapitres des Blancs et les Bleus, et des Compagnons de Jéhu. Il se ressert ensuite dans son récit de quelques morceaux (quelquefois réécrits) des œuvres suivantes: Le chevalier de Maison-Rouge (en faisant du père d'Hector le complice du chevalier dans la conspiration des œillets), La San Felice, Isaac Lequedem, Le Corricolo, Les morts vont vite (Chateaubriand)...

L'action du Chevalier de Sainte-Hermine débute aux Tuileries en février 1801. Les sentiments du chevalier à l'encontre de Bonaparte sont un mélange d'admiration et d'aversion (tout comme ceux de Dumas). Chargé de poursuivre la vengeance d'une famille dont les membres sont morts pour la cause royaliste, Hector de Sainte-Hermine échappe au bourreau grâce à Fouché mais sera condamné à vivre dans l'ombre, cachant à tout le monde sa véritable identité. Il cherche à se faire tuer par désespoir d'amour, ne pouvant plus donner son nom à celle qu'il aime, ce qui en fait un personnage malheureux et romantique...

C'est à travers ses aventures que nous suivrons les hauts faits comme les basses actions de Bonaparte, ce qui nous permettra de croiser entre autre Joséphine, Fouché, Talleyrand, Cadoudal, Chateaubriand, Surcouf, Nelson, des pirates, des espions, des bandits comme Fra Diavolo...

Ce personnage de Sainte-Hermine qui recherche la mort à tout prix et qui semble invulnérable malgré tous les risques qu'il prend, ressemble à Roland de Montrevel que l'on a vu dans Les Compagnons de Jéhu et dans Les Blancs et les Bleus. D'un autre côté, ce héros un peu trop parfait à qui tout réussit, beau, instruit, fort, riche, adroit, aimé de tous malgré sa supériorité, faisant preuve d'un certain détachement, fait aussi penser au comte de Monte-Cristo. De plus, comme Edmond Dantès, il apparaît d'abord comme amoureux, puis passe du temps en prison pendant lequel il subit une transformation physique et morale et d'où il ressort en quasi surhomme. La ressemblance s'arrête ici car la vengeance de Sainte-Hermine, contrairement à celle de Dantès, n'a rien de personnelle. Il n'obéit qu'à une promesse de vengeance qui lui a été imposée par l'honneur...

Ce tout dernier roman écrit par Dumas est dans la lignée des Les Compagnons de Jéhu. L'auteur mêle habilement histoire et intrigue, nous emmène en voyage à l'île Maurice, en Espagne, en Italie, en Birmanie, en Irlande, nous fait vivre des luttes avec des animaux sauvages, des batailles navales, des combats contre des brigands terribles, nous émeut ou nous irrite avec les sentiments et comportements des différents protagonistes et au final nous laisse comme une impression de mélancolie mêlée à une certaine vitalité...

C'est un beau roman d'aventure vivant, rythmé, prenant... Il aurait été dommage qu'un tel plaisir de lecture n'ait pas été découvert... Merci M. Schopp! Signalons malgré tout que la mort a surpris Dumas avant qu'il ait pu achever ce roman dont l'action s'arrête en 1809. Une lette existe donnant la trame générale de l'œuvre qui devait aller jusqu'au retour de l'île d'Elbe de Napoléon. Claude Schopp a d'ailleurs complété le texte en en rédigeant les dernières pages.

Et il a annoncé qu'il avait entrepris la rédaction d'une suite du livre, d'après le plan laissé par Dumas. Un roman qui devrait être, selon ses propres termes un «pastiche respectueux».

Nicole Vougny
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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