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Titre La jeunesse de Louis XIV

Année de publication 1854

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1658

Résumé Au matin du 25 septembre 1658, à Vincennes, alors que, à leur insu, Louis XIV est en train d'imposer sa volonté à un Parlement indocile, Mazarin et Anne d'Autriche complotent le mariage du roi avec Marguerite de Savoie. De son côté, Poquelin père vient demander une lettre de cachet pour faire embastiller son fils qu'il veut empêcher de faire du théâtre. Par le truchement d'une servante dissimulée sous une table, Louis XIV, encore amoureux de Marie de Mancini, apprend ce qu'on trame; il découvre aussi par hasard l'étendue de la fortune de son ministre. Introduit par Philippe d'Orléans, Molière conquiert l'amitié du jeune souverain et pour l'aider à faire face aux intrigues, lui suggère de laisser croire qu'il a un agent secret (Acte I).

Louis dit alors à sa mère qu'il sait tout sur le mariage qu'on arrange pour lui, et Anne d'Autriche se persuade que Mazarin, qui est l'oncle de Marie de Mancini, a tout révélé au jeune roi. Puis Louis fait comprendre à Mazarin qu'il est au fait de sa fortune, et le ministre pense que la reine mère est à l'origine de cette fuite, mais il se console en pensant que le jeune roi aime encore sa nièce (Acte II).

La fable de l'agent secret commence à rapporter et le ministre entrouvre les cordons de sa bourse, prêtant à Louis le million que le roi prétend vouloir consacrer à ses plaisirs. Il continue quant à lui à s'occuper des affaires de l'État, la présence en France en ce moment de Charles II Stuart exilé, la soumission annoncée du Grand Condé (Acte III).

Lors d'une nuit d'intrigues où les quiproquos se multiplient, déguisé en mousquetaire pour surprendre de Guiche dont il est jaloux, le roi favorise une rencontre entre Charles II et sa sœur, Henriette d'Angleterre; puis il intercepte l'ambassadeur d'Espagne, convoqué secrètement par Mazarin (Acte IV).

Le lendemain matin, Louis XIV commence à régner: il accorde à Charles II le million qui lui manque pour lever une armée contre Richard Cromwell, et gracie le Grand Condé. Puis il annonce que la Reine d'Espagne vient d'accoucher d'un garçon: le roi de France peut alors épouser l'infante. Mais quel parti prendre? Il demande machiavéliquement à Mazarin de choisir, et le ministre répond: «Épousez l'infante!», l'un et l'autre sacrifiant Marie de Mancini à la raison d'État. Pour finir le Roi offre à Molière son brevet de comédien. L'historien Dangeau conclut sur son carnet: «L'agent secret du roi était M. Molière» (Acte V).

Analyse Cette très longue, et excellente, comédie historique (170 pages) en cinq actes et en prose a été écrite au retour de l'exil bruxellois de Dumas, ce dont témoigne la dédicace à son ami Noël Parfait, ancien représentant du peuple («souvenir d'exil»). Acceptée par Arsène Houssaye, administrateur de la Comédie-Française, elle fut néanmoins interdite par la censure parisienne. La brouille temporaire entre Dumas et le prince-président devenu empereur durait encore, et l'étonnante liberté de ton de la pièce autant que la présentation sans ambages de l'homosexualité du duc d'Anjou ou l'évocation toujours tendancieuse de la Fronde, expliquent qu'elle ne sera jouée dans la capitale qu'en 1874, dans une version revue par Dumas fils.

En attendant, elle est créée au Vaudeville de Bruxelles le 20 janvier 1854. Ces vingt ans de purgatoire – alors que La jeunesse de Louis XV, écrite en même temps et interdite elle aussi, mais plus légère sans doute, sera autorisée au bout de deux années sous le titre du Verrou de la reine - montrent que La jeunesse de Louis XIV n'est pas qu'une comédie d'intrigue, abondante en quiproquos, cachettes et déguisements certes (le roi en mousquetaire côtoyant M. de Tréville! ), ou une fiction historique mêlant les affaires d'Angleterre aux souvenirs de la Fronde.

C'est un peu, à la manière de Rossellini, «la prise du pouvoir par Louis XIV» racontée par Dumas, une fable plus philosophique qu'historique ou politique. Le poète, Molière, s'y fait le pédagogue d'un roi encore soumis à sa mère et à son ministre. S'il se met en retrait, revendique pour lui un royaume de fantaisie («quatre planches sur quatre tonneaux») et préconise pour le monarque l'esprit de vérité sans lequel il ne pourrait pas régner, ensuite, très vite, il ordonne («Débutez par le pardon», enjoint-il au roi pour qu'il signe la grâce du Grand Condé), et finit même par apparaître comme le metteur en scène du retour glorieux du roi.

Tout n'est peut-être alors que comédie, et la leçon de la fable recoupe cette pensée que Pascal écrivait à peu près à ce moment-là de l'histoire: «Platon et Aristote [...] s'ils ont écrit de politique, c'était comme pour régler un hôpital de fous. Et s'ils ont fait semblant d'en parler comme d'une grande chose, c'est qu'ils savaient que les fous à qui ils parlaient pensaient être roi et empereurs. Ils entraient dans leurs principes pour modérer leur folie au moins mal qu'il se pouvait». Une leçon qui risquait, on le comprend, de ne pas plaire au pouvoir en place. A quel pouvoir plairait-elle, en fait?

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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