Titre
Le vampire
Année de publication
1851
Genre
Théâtre
Collaborateur(s)
Auguste Maquet
Epoque du récit
début du XIX ème siècle
Résumé
Des voyageurs attardés se replient de nuit vers le château
espagnol de Tormenar, de sinistre réputation. Parmi eux, Juana,
partie retrouver l'homme qu'elle aime, et Gilbert de Tiffauges, gentilhomme
breton. Une goule travestie en moresque surveille la scène (Acte
I). Dans le château vide, lord Ruthwen rejoint les voyageurs; mais
le fiancé de Juana n'est pas au rendez-vous. Gilbert le découvre
mort, un peu plus tard. Puis c'est le tour de Juana, et Gilbert frappe
de son épée Ruthwen qui sort de la chambre où elle
agonise. Convaincu malgré tout de l'innocence de l'homme qui dit
être allé lui aussi au secours de Juana, Gilbert accomplit
ses dernières volontés: il ne sera pas enseveli mais exposé
aux rayons de la lune. Laissé seul, le mort se redresse et déploie
ses ailes de chauve-souris (Acte II).
Plusieurs mois ont passé, Gilbert est de retour à Tiffauges;
il vient d'échapper à un attentat grâce à la
goule, déguisée en paysanne. La soeur de Gilbert, Hélène,
présente à son frère l'homme qu'elle a choisi d'épouser:
lord Ruthwen! Ce dernier explique à Gilbert comment il était
sorti d'un coma que tous avaient pris pour la mort. Dans la chambre de
Gilbert endormi, la fée Mélusine veille sur lui et tente
de l'avertir (Acte III).
Au matin, tourmenté par son rêve, Gilbert met Hélène
en garde contre Ruthwen; on le prend pour un fou. Se sentant menacé,
Ruthwen essaie de pactiser avec son ennemie la goule, qui aime Gilbert
et le protège. A minuit, il égorge Hélène
et se repaît de son sang. Arrivé trop tard, Gilbert le précipite
dans un ravin (Acte IV). L'histoire s'achève au pied du Caucase.
Gilbert s'apprête à épouser Antonia; du temps a passé.
Ruthwen revient encore une fois, poussé par la haine et le désir
de chair fraîche. Dans un dernier combat avec le vampire, la goule
se sacrifie et permet à Gilbert de sauver Antonia en scellant pour
l'éternité Ruthwen dans un tombeau (Acte V).
Analyse
Dumas raconte dans ses Mémoires
(chapitre
LXXV sq.) comment il fit la connaissance de Charles Nodier en 1823
lors d'une reprise du Vampire que ce
dernier avait adapté du récit de Polidori. La collaboration
de Nodier n'avait pas été créditée. Incognito,
Nodier ne cessait de vitupérer les acteurs ou la mise en scène,
attirant ainsi l'attention de Dumas. Il finit par être expulsé,
et c'est en apprenant la nouvelle le lendemain dans les journaux que Dumas
découvrit qui était son voisin.
Comme il n'avait jamais rien lu de lui, il se procura son roman Jean
Sbogar. Ce fut une révélation. Dumas entrait de plein
pied dans le romantisme. En même temps, ce Vampire
plus ou moins bien ficelé par Nodier, Carmouche et Jouffroy ouvrait
toutes grandes à notre auteur les portes du fantastique (qu'on
songe au profit qu'il en tirera plus tard avec les Mille
et un fantômes).
Au même chapitre de ses Mémoires,
il indique comment les visions angéliques imaginées par
Nodier lui donnèrent l'idée plus tard des éléments
surnaturels de Don Juan de
Marana, pièce qualifiée de «mystère».
On les retrouvera bien après au dernier tableau de ce Vampire
qu'en hommage à Nodier il finira par récrire.
Seul «drame fantastique» jamais revendiqué en tant
que tel dans son abondante production théâtrale, l'oeuvre
tient du «mystère» sur ce point au moins: cieux qui
s'ouvrent, peuplés d'anges, croix lumineuse, etc... La trame du
récit de Polidori est suivie dans ses grandes lignes, c'était
sans doute aussi celle du mélo de Nodier et consorts si l'on en
juge par le compte-rendu détaillé que Dumas en donne dans
ses Mémoires. Le
vampire, pour la première fois dans la littérature, était
un homme, qui plus est séduisant, un dandy (on dit que Polidori
avait pris Byron pour modèle). Auparavant, c'était une créature
féminine.
Dans les deux pièces, les personnages voyagent beaucoup, en Grèce
par exemple, à l'instar de Byron. Mais alors que Nodier rapproche
son histoire des îles britanniques, Dumas l'en éloigne, situant
son dernier acte dans une Circassie mâtinée de Balkans. Nodier
rajoute des éléments fantastiques, l'ange de la lune et
l'ange du mariage, la prédiction du vieux barde sur l'amour qui
donne la mort. Dumas renchérit, mêlant à son histoire
la goule, les ailes de chauve-souris et la fée Mélusine.
Il donne aussi à Gilbert le patronyme de Tiffauges (le nom du domaine
de Gilles de Rais qui devint Barbe Bleue), et sans doute n'est-ce pas
un hasard.
Bref, une pièce qui souffre des défauts de son modèle
(les forfaits à répétition du sinistre Ruthwen),
tenant à la fois de l'hommage (tardif) et du pastiche, que Dumas
dut éprouver quand même bien du plaisir à écrire,
mais qui, contrairement aux usages, ne fut publié que quinze ans
après sa création, dans le Théâtre complet
en 1865.
François Rahier
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