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Titre Le capitaine Aréna

Année de publication 1841-1843

Genre Récit de voyage

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1835

Résumé Deuxième volet des Impressions de voyage dans le Royaume de Naples, après Le Speronare et avant Le Corricolo, Le capitaine Aréna retrace l'itinéraire de Dumas, du peintre Jadin et de son chien Milord de Palerme à Naples, par les îles Eoliennes et la Calabre. Le titre se réfère au capitaine du navire affrété pour le voyage.

Dernière curiosité avant de quitter Palerme, Dumas nous fait visiter en détail la "Casa dei matti", un asile d'aliénés fondé par le baron Pisani. Institut précurseur à l'époque, où la violence est bannie, et où les fous sont soignés et non châtiés.

Après quelques anecdotes sur les mœurs siciliennes, cap sur les îles Eoliennes. A Vulcano, on descend dans le cratère du volcan, carrière à l'atmosphère intenable dans laquelle s'affaire une foule de forçats. A Lipari, Dumas est fêté par le gouverneur de l'île, trop heureux d'oublier son exil insulaire en accueillant un Français. Enfin, Stromboli clôt cette visite de l'archipel lipariote : l'ascension et la descente du volcan y sont si pénibles que Dumas se promet de ne plus jamais en escalader aucun (qui se remémore le Stromboli de Roberto Rossellini comprendra !).

Après une halte à Messine, on traverse le détroit et on aborde la Calabre. Ballade dans la fameuse Scylla. Le mauvais temps contraint à s'arrêter à San Giovanni. On en profite pour y fêter une partie de l'équipage, qui repart en Sicile : une compétition de tarentelle oppose le matelot Pietro au Calabrais Agnolo. L'affaire - grave - est soudainement interrompue par... un tremblement de terre ! qui fait choir le bateau de sa cale sèche, ainsi que ses occupants.

C'est à l'aune de cette catastrophe que Dumas va parcourir une partie de la Calabre, et y découvrir les ravages du séisme. On apprendra du reste qu'il n'y a rien d'autre à voir dans cette province qu'une nature particulièrement sauvage, les tremblements de terre périodiques mettant à bas tout ce que l'homme peut bâtir. On saura enfin combien il est illusoire d'y trouver un gîte et un couvert décents, et surtout une paire de draps ! La misère du voyageur culmine dans le village de Maïda, où notre auteur endure un véritable calvaire.

Après une traversée de la montagne sous un épouvantable déluge, on arrive à Cosenza, capitale de la province, à moitié détruite par le séisme. L'unique auberge de la ville, dont Dumas rêvait, est en ruine, mais il persiste à vouloir y dormir, par dépit envers les baraquements de fortune dans lesquels logent les habitants. En effet, les secousses reprennent, nuit après nuit, et Dumas, sans nouvelles du speronare, est immobilisé sans le sou à Cosenza. Une procession expiatoire y a finalement lieu, à l'appel d'un capucin illuminé, spectaculaire manifestation d'un masochisme hystérique. Soulignons aussi les quelques pages empruntées à Joseph-Antoine de Gourbillon, voyageur savant qui décrit dans le détail les différents types de séismes observés en Calabre, si inouïs qu'on a peine à y croire.

Le speronare ayant donné signe de vie, Dumas quitte enfin le pénible séjour de Cosenza. On longe les côtes calabraise jusqu'à Paestum, halte archéologique obligée. Puis, cap sur Salerne et Amalfi. On rejoint Naples en voiture, dernière étape du périple.

Le tout est bien sûr agrémenté de quelques histoires et anecdotes : celle du tailleur calabrais Térence, qui a vendu sa femme au diable pour... une paire de culottes, celle du fameux bandit sicilien Pasquale Bruno, ou encore l'évocation de la mort de Murat, roi de Naples, au Pizzo en 1817.

Analyse Si la Sicile est un bonheur et Palerme un enchantement, il n'en est pas de même pour la suite du voyage. A ce titre, Le capitaine Aréna ressemble à une sorte de parenthèse, éreintante pour l'auteur, entre la Sicile et Naples.

Passons sur les îles Eoliennes : l'aspect désolé de leur paysage, leur isolement et la prouesse que constitue l'ascension de leurs volcans font que Dumas, content de les avoir visitées, est aussi content de les quitter. Mais ce n'est qu'un avant-goût de ce qui l'attend en Calabre. Les circonstances ne l'aident pas : mauvais temps gênant la marche du speronare, tremblements de terre, tempête, manque de sommeil, de nourriture, etc... Autant de mésaventures qui culminent dans le séjour forcé à Cosenza, et qui n'invitent guère le lecteur à parcourir cette contrée, dont il faut rappeler qu'elle était à l'époque connue pour être sauvage et très difficilement accessible. Bref, on se sent parfois plus proche du Caucase que de Naples... Notons que c'est aussi en Calabre que Dumas apprend la mort de Bellini. La nouvelle le bouleverse.

Le séisme (et ses répliques) est cependant un bon angle d'attaque pour le tableau d'une région dans laquelle on se demande si Dumas aurait trouvé par ailleurs beaucoup d'inspiration. En effet, la couleur locale ne semble guère le nourrir, à quelques exceptions près, comme ce village de Vena où il fait un détour, et dans lequel la seule langue que l'on parle est le grec (de telles communautés existent encore dans le sud de l'Italie).

Ce parcours très «sportif» de la Calabre serait-il aussi un moyen pour notre auteur de se mettre en valeur ? On est en effet parfois plus proche du roman d'aventure que de la stricte relation de voyage. Une aventure d'un intérêt documentaire certain cependant, puisque les voyageurs n'affluaient point en Calabre à l'époque, et encore moins aux îles Eoliennes.

Mais revenons sur Palerme, qui ouvre le récit par la visite de la maison des fous. L'établissement intéresse vivement Dumas, et le tableau qu'il en fait est proprement saisissant, même s'il avoue être pris d'un certain malaise lorsqu'il assiste à des sortes de psychodrames thérapeutiques devant lesquels on reste frappé.

N'oublions pas enfin les compagnons de voyage. Milord tout d'abord, qui, aux îles Eoliennes, est un vrai personnage. En témoigne cette scène drolatique où il plonge dans une mer brûlante (le volcan est proche), et dont la description rappelle cet attachement si particulier de Dumas pour la gent animale. Le capitaine Aréna et son équipage ensuite, auxquels Dumas réitère plusieurs fois dans le récit l'expression de son indéfectible amitié. Ils sont Siciliens du reste et en tant que tels... détestent la Calabre !

Noël Lebeaupin
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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