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Titre Don Juan de Marana, ou la chute d'un ange

Année de publication 1836

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit XVIIème siècle ?

Résumé Don Juan de Marana n'a rien à envier à son illustre ancêtre Don Juan de Tenorio au niveau de sa réputation de libertin et de débauché: on ne compte plus ses conquêtes féminines qu'il abandonne aussitôt séduites.

Un pas de plus dans l'ignominie va toutefois modifier sa destinée: il tue un prêtre avant qu'il ait eu le temps de faire signer à son père mourant l'acte qui désigne comme héritier son demi–frère aîné Don Josès.

En devenant de son plein gré criminel, Don Juan libère le mauvais ange des Marana de l'emprise du bon ange, qui lui laisse alors tout pouvoir sur l'âme de Don Juan.

Celui-ci continue de plus belle ses méfaits: il séduit et abandonne désespérées plusieurs femmes dont la fiancé de Don Josès Teresa qui se suicide, il humilie et fait frapper son demi-frère comme un esclave, tue en duel un autre débauché, Don Sandoval, après lui avoir gagné au jeu sa fiancée Inès, qui préfère se tuer plutôt que lui céder...

Honteux d'avoir eu le dessous, le bon ange choisit de devenir humain en la personne de sœur Marthe dans l'espoir de ramener Don Juan dans le droit chemin. Mais elle va aussi succomber au charme persuasif de celui-ci et s'apprête à le suivre lorsque les fantômes d'Inès et des autres victimes de Don Juan interviennent. Ils effrayent tant le séducteur qu'il se réfugie dans un couvent trappiste.

Mais, malgré ses efforts, son orgueil le perd par la faute de Don Josès. Il ne peut en effet supporter les provocations de celui-ci, qui cherche à venger la mort de sa fiancée et le nargue aussi de la perte de ses biens et titres, le mauvais ange l'ayant aidé à faire signer l'acte de reconnaissance au fantôme de leur père. Don Juan tue alors son frère avant de s'enfuir du couvent.

L'ultime tentative de soeur Marthe pour sauver son âme (une journée avec Don Juan contre mille ans d'éternité) sera aussi un échec. Devant son refus de se repentir, les fantômes, par le glaive de Don Sandoval lui ôtent la vie et le vouent aux enfers...

Analyse La première représentation de ce «mystère en cinq actes» a eu lieu au théâtre de la Porte-Saint-Martin le 30 avril 1836, avec une musique de M. Piccini.

Dumas s'est emparé du mythe de Don Juan et plus particulièrement Don Juan de Marana pour créer un drame fantastique à connotations religieuses. Nous assistons entre autres à la rivalité entre un bon et un mauvais anges avec pour enjeu la domination de l'âme de Don Juan, à une intervention des fantômes de ses victimes qui se font justice, à une visite d'un vivant dans le tombeau d'un mort pour une vengeance...

Les échanges entre bon et mauvais anges sont en vers alors que le reste des dialogues est en prose.

Il convient toutefois de faire la distinction entre Don Juan de Tenorio (celui de Molière et de Mozart par exemple...) et Don Juan de Marana qui selon la légende est un descendant du premier qui vécut une vie de débauche avant de finir par se convertir et mourir en odeur de sainteté.

Pour sa pièce, Dumas, en modifiant la fin de la vie de Don Juan, en a fait un personnage d'une noirceur telle que l'on trouverait gênant et même malsain qu'un tel comportement ne soit pas puni. En effet, Don Juan est un être sans scrupules, sans remords ni regrets devant le mal qu'il a fait, d'une impiété totale, libertin, criminel responsable de la mort de sept personnes dont des femmes pour le plaisir de la conquête, son frère pour ne pas perdre ses biens et titres et Don Sandoval parce qu'il faisait de l'ombre à sa réputation. Et pour qu'il n'y ait plus de doute, il va séduire une religieuse, parce que cela manquait à son «tableau de chasse»... Comme on le voit, il surpasse encore son ancêtre qui, lui, «n'a fait que séduire des femmes alors que lui a perdu un ange». De plus, jusqu'au dernier moment, il refuse de se repentir et veut se croire à l'abri de la justice divine.

Notons malgré tout que, dans une deuxième version, la fin de la pièce a été modifiée, et l'on y voit Don Juan se repentir in extremis...

Pour cette œuvre, Dumas s'est inspiré des Ames du purgatoire de Prosper Mérimée de 1834. Dans ses Mémoires (chapitre CXXV), il nous raconte que pour faire cette pièce, lui qui écrivait facilement dans n'importe quelle situation, a eu besoin de circonstances particulières: «...J'étais préoccupé de l'idée que je ne pourrais trouver qu'au bruit d'une musique quelconque mon drame fantastique...». Et c'est ainsi qu'en deux heures les scènes principales de son drame étaient faites.

C'est une pièce étrange, quelquefois un peu confuse, dont la mise en scène a dû être assez complexe. Etait-ce un peu trop novateur, effrayant pour le public, toujours est-il que cette pièce n'eut pas le succès escompté par Dumas.

Nicole Vougny
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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