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Titre Echc et mat

Année de publication 1846 (Théâtre Royal de l'Odéon, 23 mai 1846)

Genre Théâtre (Drame en cinq actes et en prose)

Collaborateur(s) Octave Feuillet et Paul Bocage

Epoque du récit 1641

Résumé Nous sommes en 1641, à la cour du roi d'Espagne Philippe IV. Le duc d'Albuquerque demande raison au capitaine Riubos des bruits qu'il fait courir sur sa prétendue liaison avec la jeune duchesse de Sidonia-Coeli ; Riubos est blessé, Albuquerque mis aux arrêts. Mais le roi fait libérer le duc, qui s'est battu pour défendre la réputation d'une orpheline, et, dans une surenchère de générosité, le duc propose alors d'épouser la jeune fille. Le roi accepte, avec le secret dessein de faire de celle-ci un jour prochain sa maîtresse. Pendant ce temps, le premier ministre Olivares complote, et le jeune comte de Villa-Mediana, se meurt d'amour pour la Reine (Acte I). Trois mois plus tard, le duc, qui s'était éloigné de la cour pour protéger son épouse, est rappelé pour raison de service, tandis que la reine fait venir la duchesse à ses côtés. Le duc parvient encore une fois à soustraire sa jeune épouse aux intrigues du roi, et découvre des preuves du complot d'Olivares. Celui-ci ordonne alors à Riubos de l'arrêter (Acte II). Mais le duc a mis la main sur les tablettes secrètes où le capitaine, agent double ou triple, consigne au jour le jour ses filatures, pour le compte du roi, de son premier ministre… ou du Grand inquisiteur ! Menaçant de tout révéler le duc s'attache à son tour Riubos, et tente de sauver Mediana, toujours amoureux de la reine et sur qui pèsent de plus en plus de soupçons (Acte III). Au cours de la nuit, le duc essaie d'éloigner le roi - qui n'a qu'une idée en tête, retrouver la duchesse, et confondre le prétendant de la reine -, et, combattant sur deux fronts, il s'évertue en même temps à protéger malgré lui Mediana. En vain : quand se déclenche un dramatique incendie on retrouve le jeune homme portant la reine évanouie dans ses bras ; cela suffit à Philippe IV pour décider de sa mort (Acte IV). Mais le duc n'a pas dit son dernier mot : après une belle leçon de morale politique, il annonce à son souverain que Mediana - qui vient de le faire mat - a été sauvé de l'exécution, et que, pour ce qui le concerne, il le fait échec en emmenant son épouse en France (Acte V).

Analyse Premier ouvrage dramatique de celui qui deviendra le "Musset des familles", avec, entre autre, le Roman d'un jeune homme pauvre, cette pièce a été écrite en collaboration avec Paul Bocage, dont c'est aussi le coup d'essai, et, sans doute, Dumas. Bocage et Dumas travailleront beaucoup ensemble par la suite, ainsi qu'avec Nerval. C'est, en revanche, la seule fois que Dumas et Feuillet s'associèrent. Sans doute peut-on voir là le coup de pouce d'un aîné passé maître dans l'art de trousser des pièces à un tout jeune homme qui tente de percer et rencontre le courroux d'un père allant jusqu'à le renier (comme semble en témoigner une lettre de Feuillet à Dumas en date du 16 décembre 1853 citée par Claude Schopp dans son Dictionnaire Dumas). La pièce parut d'abord à Paris, chez Jérôme, sous le pseudonyme collectif de "Désiré Hazard" avant d'être reprise chez Michel Lévy à la fin de l'année. Après Quérard, c'est surtout Philibert Audebrand, dans ses souvenirs littéraires (Alexandre Dumas à la Maison d'or, p. 225), qui insiste sur la main que Dumas avait mise à l'ouvrage en le redressant et en lui assurant un franc succès. Sur l'affiche, à la suite du nom des deux auteurs crédités, un mystérieux "et ***" renforce la thèse de la participation de Dumas. Mais l'édition Michel Lévy, et les éditions ultérieures, ne font plus référence qu'aux seuls Feuillet et Bocage. Ce qu'Audebrand présente comme un drame de cape et d'épée haut en couleurs est davantage une comédie historique où l'on sent parfois l'esprit de la Mademoiselle de Belle-Isle de 1839, qui fut sans doute, la première comédie historique de Dumas. C'est le point de vue de Gautier dans son Histoire de l'art dramatique en France depuis 25 ans (4ème série), paru chez Hetzel en 1859 : "Le drame, ou plutôt la comédie […] rappelle un peu, quant au fond, Don César de Bazan, et, quant à la forme, Mademoiselle de Belle-Isle […] ; mais il n'y a pas de mal à rappeler des choses amusantes et spirituelles". Tout en vantant la pièce, et particulièrement le jeu de Bocage (l'oncle de Paul) dans le rôle d'Albuquerque, Gautier note cependant "que la pièce est trop faite avec de petits moyens et qu'elle manque de véritables situations. Ce sont là des défauts que le mouvement et le style ne parviennent pas toujours à cacher". Il est vrai que les longues et larmoyantes révélations que le duc fait à Mediana sur la mort de son père, à la fin du quatrième acte, nuisent quelque peu à l'intensité dramatique de l'ensemble, et que le double incendie qui survient tout de suite après, celui du palais ducal commandité par le roi, et celui du palais royal diligenté par le duc, si l'on n'y voit une pointe comique ("Le roi et moi sommes les plus riches maisons d'Espagne, dit le duc, et nous pouvons nous permettre ce jeu-là"), peut paraître du très mauvais deus ex machina. N'empêche que l'acte V rehausse le ton, et sans doute trouve-t-on la griffe d'Alexandre dans l'admonestation du sujet à son souverain, devenu climax romantique au théâtre, ensuite, de Hugo à Rostand (et où notre auteur se souvient de l'homme du peuple enseignant aux grands leurs devoirs dans Louise Bernard, et pense peut-être déjà aux vertes remontrances de Ruffé à Louis XV dans Le Verrou de la Reine).

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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