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Titre Conscience l'innocent  

Année de publication 1852

Genre Roman

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1810-1815

Résumé En 1810, dans le petit village d'Haramont, près de Villers-Cotterêts, deux familles se soutiennent pour faire face à la dureté de la vie paysanne. D'un côté la famille Cadet composée du grand-père, de la belle-fille et du petit-fils Conscience que l'on appelle «l'innocent» du fait de sa grande franchise et de sa grande douceur, que ce soit envers les hommes ou les animaux. De l'autre coté une jeune fille Mariette, sa mère et son petit frère.

Elevés ensemble, Conscience et Mariette découvrent un beau jour d'octobre 1813 qu'ils s'aiment d'amour. Malheureusement pour eux, l'actualité les empêche de profiter de leur bonheur naissant. En effet, Napoléon, sur le déclin, a un besoin urgent d'hommes pour faire face à la coalition européenne. Conscience est appelé à la conscription au cours de laquelle il tire un mauvais numéro.

Désespéré à l'idée de ce départ, le père Cadet, apprenant par le notaire que les quelques arpents de terrains acquis à la sueur de son front ne suffiront pas pour racheter le départ de son petit-fils, fait une attaque d'apoplexie et se retrouve incapable d'assurer l'exploitation de ses terres. Bastien, un jeune mutilé des guerres napoléoniennes qui voue une grande admiration à Conscience depuis que celui-ci l'a sauvé de la noyade, tente de prendre sa place mais est refusé parce qu'il lui manque deux doigts.

Se rendant compte de la douleur que provoque son prochain départ dans son entourage, Conscience se coupe un doigt, pensant ainsi éviter la guerre. Mais comme le caractère volontaire de la mutilation ne fait aucun doute, l'armée l'intègre quand même dans ses équipages.

Sur les champs de bataille, il croise deux fois Napoléon qui remarque sa bravoure, avant d'être grièvement blessé dans l'explosion du caisson qu'il servait. Le départ de l'empereur pour l'île d'Elbe met fin aux hostilités. Par une lettre, Mariette apprend que Conscience est devenu aveugle et décide d'aller le soutenir dans cette épreuve. Le voyage de 15 lieues jusqu'à l'hôpital se fait rapidement, chacun cherchant à l'aider devant la beauté de ce dévouement.

A force de volonté et de persuasion, aidée entre autres par Bastien et la femme du chirurgien major, elle arrive à faire sortir Conscience de l'hôpital et à le ramener dans leur village.

La joie de ce retour est à son comble quand on se rend compte que la cécité de Conscience se révèle en définitive passagère. Mais la dure réalité ne laisse que peu de temps aux réjouissances. Avec le retour au pouvoir des Bourbons, les terres du père Cadet ont perdu de la valeur, d'autant plus que les troupes d'occupation les ont saccagées. Ruiné, le père Cadet doit cependant payer son terme à son vendeur, qui saisit l'huissier.

La situation semble désespérée malgré la confiance de Conscience qui ne peut croire que Dieu l'abandonne. Finalement, c'est grâce au retour au pouvoir de Napoléon que les choses s'arrangent. En effet, lors de son passage à Villers-Cotterêts, suite à l'intervention de Bastien, l'empereur reconnaît Conscience et lui donne l'argent dont il a besoin ainsi que la Croix, faisant ainsi son bonheur.

Analyse Conscience l'innocent fait partie des romans écrits par Dumas alors que, poursuivi par les huissiers, il avait dû se réfugier à Bruxelles à la fin de 1851. L'édition originale est d'ailleurs belge.

La naissance de ce roman nous est racontée dans une «causerie» appelée Cas de conscience (dans les Propos d'art et de cuisine) dans laquelle nous apprenons que Dumas s'apprêtait à écrire La comtesse de Charny quand il s'aperçut qu'il avait oublié de prendre l'Histoire de la révolution française de Michelet. En attendant, un de ses amis lui laisse alors à lire une nouvelle d'un auteur flamand: Le conscrit d'Henry Conscience. Il voit dans ces pages une idée de roman et emprunte deux chapitres à l'auteur qui de bonne grâce lui donne l'autorisation de les insérer dans son histoire. Pour le remercier, il intitule donc son roman Conscience l'innocent.

Nous retrouvons dans ce roman le village d'Haramont, (comme dans Ange Pitou) et Villers-Cotterêts, chers à l'auteur puisque ce sont les lieux de son enfance. Autre allusion aux souvenirs personnels de Dumas, le chien de Conscience est un saint-bernard, rejeton d'une chienne que le général Dumas (père de notre auteur) avait ramenée des Alpes. Et ce chiot est recueilli par Conscience après que le garde Moquet(autre vieille connaissance) s'en soit débarrassé...

Dans cette histoire où les héros sont de simples paysans, il y a une grande spontanéité, une fraîcheur dans les sentiments et les comportements des protagonistes. Conscience a été appelé l'innocent parce qu'il ne sait pas mentir, qu'il prend la vie comme elle vient, qu'il a une certaine naïveté quant à la nature humaine et une grande confiance en Dieu. Ses paroles sont cependant loin d'être anodines et par sa bouche, nous avons droit à quelques bons mots comme par exemple: «les médecins sont les seuls pour lesquels Dieu ait fait du mensonge une vertu».

Ce jeune homme est considéré comme la bénédiction de sa famille. Il fait des miracles auprès des animaux (son chien avec qui il a une relation particulière, chevaux, ânes, vaches...) mais aussi des hommes (huissiers qui refusent de poursuivre, des avoués qui plaident pour rien et qui font même des avances... - petit clin d'œil de Dumas à sa propre situation?).

Et que dire du dévouement de Mariette qui, même sans espoir de guérison pour son fiancé, se refuse à imaginer la vie sans lui à ses côtés? Les mots utilisés par Dumas sont touchants et vont droits au coeur.

Même derrière les défauts de certains personnages se cache la bonté. En effet, le père Cadet qui est plutôt avare et ne pense qu'à sa terre, se ruinerait pour empêcher son petit-fils de partir à la guerre. Bastien, qui au départ n'aimait pas Conscience, donnerait sa vie pour qu'il soit heureux. Et même Napoléon, que l'on voit comme un grand «consommateur» de jeunesse pour ses armées, responsable de tant de souffrances chez les pauvres gens qui payent un lourd tribu pour son prestige personnel, rachète finalement le mal qu'il a fait à Conscience en lui permettant de payer les dettes de son grand-père et en reconnaissant son mérite. C'était peut-être une de ses dernières bonnes actions, puisqu'il était en route pour Waterloo...

Nous avons donc avec Conscience l'innocent un bien beau roman. Le talent, la verve, l'humour, la sensibilité, tout est réuni pour avoir un bon mélodrame à la gloire de la bonté humaine et de Dieu.

Décidément, heureusement que Dumas n'a pas trouvé le livre de Michelet à Bruxelles...

Nicole Vougny

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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