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Titre Causerie sur Eugène Delacroix et ses œuvres ou Delacroix

Année de publication 1865

Genre Causerie

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1798-1863

Résumé Un an après le décès d'Eugène Delacroix, Dumas évoque ses souvenirs sur le peintre à l'occasion de l'ouverture de l'exposition qui réunit 300 de ses toiles à Paris. Car Delacroix et Dumas furent amis dès la première toile du maître, son «Dante traversant l'Achéron».

Dumas enchaîne les anecdotes à partir de l'enfance non pas «malheureuse» mais plutôt, selon lui, «accidentée» de son ami. A trois ans, Delacroix avait en effet déjà été pendu, brûlé, noyé, empoisonné et étranglé par mégarde! Le futur peintre en réchappe et, à dix-sept ans, après des études classiques, entre en apprentissage dans un atelier.

Très vite, il en sera chassé pour non conformisme pictural. A vingt-cinq ans et avec le «Massacre de Scio», présenté au Salon de 1824, Delacroix a définitivement franchi le Rubicon de l'école de la République et de l'Empire: «Delacroix fut proclamé un maître, fit école, et eut, non pas des élèves, mais des disciples, mais des admirateurs, mais des fanatiques».

C'est aussi le portrait de l'époque que dresse Dumas, époque elle-même pour le moins passionnée, où les œuvres littéraires comme les œuvres d'art font l'objet de débats enragés, d'admiration intense comme de rejets sans appel. De Révolution de juillet en Restauration Louis-Philipparde, la «Liberté guidant le Peuple» de Delacroix, sa grande toile représentant les émeutes parisiennes, en fait les frais. Achetée par le gouvernement pour être accrochée au Luxembourg, elle est envoyée trois mois plus tard au grenier puis chez son créateur, qui la recueillera quinze ans avant qu'elle ne retrouve définitivement les cimaises publiques lors de l'exposition de 1855.

Dumas qui se disait «le frère des peintres» examine au passage et discute chaque toile de son ami avec un regard qu'il veut tout personnel. Il rappelle l'apport que fit Delacroix à l'étude de la couleur avant même que Michel-Eugène Chevreul n'ait établi la loi du contraste simultané. C'est l'occasion pour ses auditeurs, et aujourd'hui ses lecteurs, de (re) découvrir l'artiste.

D'une histoire à l'autre, les tempéraments du peintre comme de l'écrivain se révèlent. Delacroix, économe par tempérament, ne manquait pas de s'inquiéter à chaque fois qu'il rencontrait Dumas: «Pensez-vous à l'avenir, cher ami? Mettez-vous quelque chose de côté?» Et celui-ci, à qui toute notion d'épargne était étrangère, de répondre en riant: «Ma devise est: Deus dedit,Deus dabit! Dieu a donné, Dieu donnera!».

Généreux donc, Dumas devait organiser un grand bal en 1833. On lui prête un appartement vide. Ses amis peintres offrent de le décorer pour l'occasion. Parmi eux, heureuse époque, non seulement Eugène Delacroix bien sûr mais aussi Louis et Clément Boulanger, Alfred et Tony Jehannot, Decamps, Jardin, Barye, Granville et Nanteuil. L'affaire fut rondement menée en trois jours avant la fête: «C'était une belle époque que celle-là, je vous en réponds! Il y avait une sainte fraternité dans l'art que l'on n'avait jamais vue, que l'on ne reverra peut-être jamais».
Analyse La «causerie» est un genre littéraire ou plutôt oratoire très pratiqué par Dumas qui y excellait... Il s'agissait sur le mode «conversation de salon» et en enchaînant les anecdotes inédites de donner un aperçu plaisant sur un sujet culturel.

Ici, Dumas cherche à faire revivre son ami et son œuvre. Il y réussit à merveille. L'écrivain était en effet passionné par la peinture tant classique que contemporaine. Il comptait beaucoup d'amis peintres et a énormément écrit sur l'art (voir par exemple les fiches sur Italiens et Flamands ou La Galerie de Florence). Les artistes lui rendaient son affection, pour le prouve le fameux bal dont Dumas a également donné un récit dans ses Mémoires.

Signalons enfin que la causerie de Dumas sur Delacroix a fait l'objet en 2005 d'une édition exceptionnelle : une version librement adaptée et entièrement illustrée par Catherine Meurisse, une jeune artiste dont c'est le premier livre. Un véritable régal, où les dialogues entre les deux maîtres sont rendus à coups de crobards à l'encre noire. On y découvre un Dumas est aussi rond que Delacroix est filiforme. Un livre plein de fantaisie et d'humour.

Véronique de Jacquelot
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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