Titre
La barrière de Clichy
Année de publication
1851
Genre
Théâtre
Collaborateur(s)
-
Epoque du récit
1814-1815
Résumé
L'action commence à Saint-Dizier le 26 janvier 1814; Victor Bertaud,
le fils du général, vient assurer le départ de sa
soeur. La population fuit devant l'avance prussienne, que Napoléon
arrête à Montmirail le 11 février (Acte I). Le 27,
encerclé par les cosaques, pressé de se démettre,
Napoléon pense au suicide. A Paris, la résistance s'organise
autour de Bertaud et de son fils; le 30 mars, le maréchal Moncey
organise la défense de la barrière de Clichy (Acte III).
Blessé, Bertaud devient aveugle et se retire à Grenoble.
Battu, sans soutien populaire, Napoléon est exilé à
l'île d'Elbe. Déjà, Victor conspire et prépare
son retour (Acte IV). Arrestation et condamnation de Victor. L'arrivée
de l'Empereur à Grenoble le 5 mars 1815 sauve Victor de la
mort. Marche triomphale des Cent Jours (Acte V).
Analyse
Dumas a écrit deux Napoléon,
à vingt ans de distance. Le premier,
Napoléon Bonaparte, sous Louis-Philippe, au début de
la monarchie de Juillet; le second, La barrière
de Clichy, à quelques mois du coup d'état du Prince-Président.
Dans la préface du premier, il revendique l'héritage de
son père, général républicain mort en disgrâce
de l'empereur, et prend ses distances avec Louis-Philippe.
Dans la postface du second, il s'engage carrément: «Je nie
avoir jamais fait une pièce politique à un autre point de
vue que les idées républicaines», puis il évoque
ce théâtre républicain: « Richard
Darlington, Les
Girondins (le titre, autrement plus politique, que Dumas donne en
général à la pièce tirée du Chevalier
de Maison Rouge), Catilina, voilà
pour le passé». A cette liste on pourrait ajouter Léo
Burckart. Dumas continue: «La
barrière de Clichy, voilà pour le présent».
On a accusé Dumas d'avoir fait La barrière
de Clichy «au point de vue de l'Élysée».
C'est une des raisons de cette postface curieuse où il fait une
double profession de foi, républicaine et bonapartiste.
Napoléon était l'agent de la liberté en Europe et
la représentation du despotisme en France. Par ses victoires, il
eût pu devenir l'instrument actif de notre liberté; sa chute
tragique n'en a fait que l'instrument passif de notre émancipation.
Dumas reconnaît avoir mis dans la bouche de Napoléon des
pensées de liberté qu'il n'avait pas dans le coeur; mais
le théâtre est pour le poète une tribune où
il répand ses propres idées, qu'il croit «bonnes selon
l'égalité démocratique, [et qui] acquièrent
une nouvelle puissance dans la bouche de l'homme dont le peuple a fait
un demi-dieu».
Exilé un temps à Bruxelles, pour des raisons plus personnelles
que politiques, d'où il accompagnera Hugo partant pour Jersey,
Dumas revint à Paris. Sa lettre du 10 août 1864 sur la censure
des Mohicans de Paris
témoigne des relations qu'il eut avec Napoléon III:
«J 'en appelle donc, pour la première fois et probablement
pour la dernière, au prince dont j'ai eu l'honneur de serrer la
main à Arenenberg, à Ham et à l'Elysée, et
qui, m'ayant trouvé comme prosélyte dévoué
sur le chemin de l'exil et sur celui de la prison, ne m'a jamais trouvé
comme solliciteur sur celui de l'Empire».
Moins épique que le premier drame, mais riche aussi en scènes
de bataille ou d'insurrections populaires, comme ce «tableau de
la barrière de Clichy» qui clôt l'acte III (vraisemblablement
inspiré de la toile peinte en 1820 par Horace Vernet) et donne
son titre à la pièce, l'oeuvre resserre son action autour
du colonel Bertaud devenu aveugle et que sa famille maintient dans l'ignorance
de la défaite de Napoléon. Le peuple des «petits,
des obscurs, des sans-grade» n'est pas oublié avec le
brave Fortuné, son père héros de la Guerre de Sept
ans et sa soeur vivandière; Lorrain, le fidèle grognard
du premier drame reprend même du service. Seul drame qualifié
de «militaire» par Dumas, conçue comme une pièce
à grand spectacle, l'oeuvre fut créée au Théâtre-National
(ancien Cirque).
François Rahier
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