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Titre Caligula

Année de publication 1838

Genre Théâtre (tragédie en cinq actes, en vers, précédée d'un prologue)

Collaborateur(s) Nerval (non crédité)

Epoque du récit 41 après Jésus-Christ

Résumé Scènes de rue et d'angoisse à Rome : tandis que Messaline intrigue avec Cherea son amant et que Caligula met en scène son triomphe sur les Germains, l'épicurien Lepidus se donne philosophiquement la mort sous les yeux de la jeune chrétienne Stella (Prologue). Prétextant une visite à sa nourrice Junia, Caligula fait enlever Stella, sa sœur de lait, et arrêter comme esclave en fuite le jeune gaulois Aquila, son fiancé (Acte I). Ressassant un mauvais rêve, effrayé par l'orage, Caligula tente de séduire Stella, puis de circonvenir sa mère. Peu après, il défenestre le consul Afranius, porte-parole du peuple qui gronde, en proie à la famine, et le remplace par… son cheval (Acte II). Cherea, que l'on croit fidèle à César, complote en secret avec Messaline. Il vient d'acheter Aquila. Apprenant que Stella est aux mains de l'empereur, le jeune homme rentre à son tour dans la conspiration (Acte III). Grace à la complicité de Messaline il rejoint Stella chez l'empereur. La jeune fille le convertit et lui donne le baptême. Mais Caligula survient et envoie Stella au supplice (Acte IV). Junia et Aquila surprennent Caligula dans son sommeil et le tuent. Messaline fait proclamer Claudius, caché derrière un rideau et craignant pour sa vie (Acte V).

Analyse Les critiques voient encore dans le triomphe de la Lucrèce de François Ponsard le 22 avril 1843 l'acte du décès du romantisme, et la revanche de la tragédie classique sur un genre dont l'échec des Burgraves de Hugo quelques semaines plus tôt semble signer le déclin. C'est oublier la création au Théâtre-Français 6 ans auparavant d'une tragédie, classique, et romaine de surcroît, le Caligula de Dumas. Ce n'était pas le coup d'essai de notre auteur. Au beau milieu des batailles romantiques, il avait fait jouer en 1831 à l'Odéon Charles VII chez ses grands vassaux, placée sous le patronage de l'Andromaque de Racine, et hésitait parfois à propos de telle ou telle pièce quant au qualificatif de drame ou de tragédie. Fidèle à un genre dans lequel il ne se sentait pas forcément à l'aise, il y reviendra pourtant, plus tard, avec l'Orestie, ou les fragments de Phèdre. Dans la préface de Caligula (dont il dit que l'idée lui était venue 5 ans auparavant, c'est-à-dire en 1832, juste après Charles VII), il prend ses distances avec l'école voltairienne qui discrédita le genre tragique, et revendique carrément "l'architecture sévère des unités". Cependant, pour écrire sa tragédie, il lui aura fallu une longue immersion dans l'espace, et dans le temps : "Je restai deux mois dans la ville aux sept collines…" Et après Rome, ce fut Naples. Démarche plus romantique que classique. Cette longue préface très hugolienne manie en même temps l'antithèse et le dithyrambe au service d'une apologétique providentialiste : "Dieu voulut saper […] cette forteresse d'iniquité par la tête et par la base : il envoya la folie aux empereurs et la foi aux esclaves". De nombreuses professions de foi jalonnent l'œuvre, l'on assiste même à un baptême, et la chaste Stella a parfois des accents qui évoquent la Théodore vierge et martyre de Corneille. Mais la longueur de la pièce, 2440 vers auxquels ont doit rajouter les 58 des chœurs, une structure tendant plutôt vers six actes (comme Napoléon Bonaparte), de longueur très inégale, au lieu de cinq précédés d'un prologue, le souci du détail dans la mise en scène, enfin, et la recherche des effets de spectacle, tirent davantage vers le drame romantique que la tragédie classique ; on est aux antipodes de l'épure dramatique que constituait par exemple la Bérénice de Racine. Dès le début, les scènes de rue à Rome qui mêlent le trivial et le sublime font penser à Shakespeare. La forme est classique, le ton est romantique. Seule unité, le temps ? Et encore, le prologue se déroulant plusieurs jours avant… La bienséance est mise à mal aussi avec la révélation des amours incestueuses de Caligula, et son assassinat au cinquième acte, sous les yeux du public. C'est la deuxième pièce écrite avec Nerval ; elle est signée par Dumas seul, conformément à leur accord de l'époque. Certains critiques parlent d'une collaboration avec Anicet-Bourgeois mais il semble que Dumas soit juste redevable à ce dernier de l'idée du cheval consul Incitatus, qui ne parut jamais sur scène d'ailleurs pour cause du décès de la pauvre bête. En ce qui concerne l'énigmatique "dédicace" à un inconnu, présent dans la salle lors de la première, Glinel suggère qu'il s'agissait du duc d'Orléans, protecteur de Dumas. Créée le 26 décembre 1837, éditée en 1838, la pièce fut reprise 50 ans plus tard à l'Odéon, avec une musique de scène de Gabriel Fauré, l'opus 52. Rappelons pour finir qu'en 1945 Albert Camus faisait jouer un Caligula qui révéla dans le rôle titre Gérard Philippe ; la pièce avait été publiée l'année précédente avec Le Malentendu, une œuvre qui brode sur la trame déjà utilisée par Dumas dans Le Vingt-quatre février. Sans le savoir sans doute, sans le vouloir, Camus avait par deux fois mis ses pas dans ceux de Dumas…

François Rahier
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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