Titre
Madame de Chamblay
Année de publication
1869
Genre
Théâtre
Collaborateur(s)
-
Epoque du récit
1840
Résumé
Avec l'argent qu'a gagné pour lui au jeu son ami le préfet,
Max de Villiers achète un remplaçant au jeune menuisier
Gratien qui doit épouser la sur de lait de Madame de Chamblay
(Acte I). Malheureuse en amour, la comtesse Edmée de Chamblay se
voit de jour en jour dépossédée de son bien par un
mari joueur. Max, pris d'affection pour elle, pense racheter une terre
que M. de Chamblay vient de vendre (Acte II). Il continue à faire
le bonheur des proches d'Edmée et lui avoue à demi-mots
sa passion. Le préfet le met en garde (Acte III). Ayant encore
perdu au jeu, le comte extorque à Edmée sa signature pour
une dernière vente. Max intervient, le comte lui tire dessus (Acte
IV). Le préfet favorise la fuite de Max et d'Edmée. Mais
le comte survient. Le préfet le provoque en duel et le tue. Max
pourra épouser Edmée (Acte V).
Analyse
Adaptation du roman Ainsi
soit-il paru en feuilleton dans Le Monte-Cristo
en 1859 (et publié ensuite sous le titre que reprend la pièce)
ce drame en cinq actes est l'avant-dernier du Théâtre
Complet en 25 volumes. Dumas en parle dans sa préface comme
"d'une fleur d'automne [venue] pousser, la soixante-sixième
ou soixante-septième, dans [son] jardin dramatique". Notre
auteur tient bien ses compte : les 25 volumes comprennent 66 pièces,
et, selon qu'on y rajoute ou pas La
Tour de Babel (revue satirique écrite avec 40 auteurs) et Le
prisonnier de la Bastille - toutes deux oubliées dans le corpus
officiel - on obtient bien 66, ou 67. Cette préface évoque
assez vite l'épisode intime d'où a été tirée
l'intrigue (les amours de Dumas avec Emma Manoury-Lacour) et insiste longuement
sur les conditions de la création de la pièce et sa distribution
dans deux mises en scène successives, à la Salle Ventadour,
d'abord, le 4 juin, puis à la Porte-Saint-Martin, ensuite, le 31
octobre 1868. Arguant de l'impossibilité de mettre au théâtre
le dénouement "tout de fantaisie" du roman, il justifie
aussi les profondes modifications que son adaptation fait subir à
l'uvre originale. En fait c'est tout le para-normal des relations
entre Max et Edmée (magnétisme de l'un, don de double-vue
de l'autre) qui disparaît, avec la fin, mélodramatique à
souhait, d'une héroïne en catalepsie s'éveillant dans
son cercueil ! N'en demeure qu'un écho dans les vers étranges
que chante Edmée au début de l'acte IV :
"Oh ! Certes, c'est un sort funeste, épouvantable,
Qu'avant que du sépulcre il ait touché le seuil,
Un cur, sous les semblants d'une mort véritable,
Soit, tout vivant encor, cloué dans un cercueil "
Au demeurant, l'intérêt de cette petite uvre est bien
mince. Mais si Dumas dans sa préface insiste autant sur le rôle
mineur du cuisinier Bertrand, c'est peut-être qu'il s'était
fait un réel plaisir d'entrelarder des répliques où
l'on sent monter la tension, au cinquième acte, par la description
du menu que prépare le chef, en grande tenue déjà,
pour le lendemain : tout au long de cinq scènes l'intérêt
du spectateur est sans doute davantage retenu par ce menu étonnant
dont toutes les recettes ne figurent pas dans le Grand
dictionnaire de cuisine de Dumas, que par les péripéties
menant au duel entre le préfet et le comte. Mais, dans cette préface
encore, on peut sentir comme de l'amertume chez un Dumas vieillissant
réduit de plus en plus à se plagier, ou hésitant
à porter sa pièce au Gymnase où triomphe en ce moment
l'autre Alexandre, son fils. C'est peut-être le sens de la deuxième
préface, très courte, en forme de boutade
et de "tragédie
en une scène" - intitulée "Aristide" - qui
précède immédiatement la pièce. Dumas s'identifie-t-il
alors au juste entre les justes banni d'Athènes, victime de l'ignorance
et de la bêtise ?
François Rahier
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