Alexandre Dumas à Trouville Vous êtes ici : Accueil > Vie > Lieux dumasiens
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Dans les délicieux chapitres CCVI et CCVIII de Mes mémoires consacrés au séjour qu’il y a effectué du 9 juillet au 12 août 1831, Dumas affirme plaisamment, et un peu abusivement, que Trouville, « comme latitude était à peu près aussi ignoré que l’île de Robinson Crusoé [...] Des navigateurs, en allant d’Honfleur à Cherbourg avaient signalé de loin Trouville comme une petite colonie de pêcheurs [...] ; mais on n’en savait pas davantage. Quant à la langue que parlaient ces pêcheurs, on l’ignorait complètement ; toutes les relations qu’on avait eues avec eux, on les avait eues de loin et par signes. « J’ai toujours eu la rage des découvertes et des explorations ; je résolus, sinon de découvrir, du moins d’explorer Trouville, et de faire, pour la rivière de la Touque[s], ce que Levaillant, ce voyageur chéri de mon enfance, avait fait pour la rivière des Éléphants. »

La découverte du petit port qui « se composait alors de quelques maisons de pêcheurs groupées sur la rive droite de la Touque[s], à l’embouchure de cette rivière, entre deux petites chaînes de collines qui enferment cette charmante vallée comme un écrin renferme une parure », le débarquement à califourchon sur les épaules des matelots, l’installation à l’auberge du Bras d’Or, ses dialogues avec l’aubergiste, la mère Oserais, à la « franchise villageoise », sa chasse au marsoin qui l’avait poursuivi, tout, dans ces souvenirs, respire un bonheur, dont témoigne par exemple la lettre du 14 juillet à Victor Hugo : « «Nous allons vous pêcher un panier de crevettes que nous vous ferons cuire et vous enverrons en toute diligence : on nous assure qu'elles arriveront très bonnes à Paris. » « Pas un bruit de ce qui se passe à Paris n’arrive jusqu’à nous. » ajoute-t-il (autographe : The University of Texas at Austin).


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Aussi est-ce à Trouville qu’il a conduit son héros Alfred au début de Pauline : « Au Havre, j’appris que Dauzats et Jadin étaient de l’autre côté de la Seine dans un village nommé Trouville [...] Je pris le paquebot ; deux heures après j’étais à Honfleur et le lendemain matin à Trouville [...] tu connais ce petit port avec sa population de pêcheurs ; c’est un des plus pittoresques de la Normandie. J’y restai quelques jours, que j’employai à visiter les environs ; puis, le soir, assis au coin du feu de ma respectacle hôtesse Mme Oseraie, j’écoutais le récit d’aventuress assez étranges, dont, depuis trois mois, les départements du Calvados, du Loiret et de la Manche étaient le théâtre. ». C’est aussi Trouville qu’il donne pour cadre à la jeunesse de Gabriel Lambert, faux-monnayeur et bagnard.

Il revient assez fréquemment ensuite dans le petit port : du 10 au 28 août 1844 en compagnie d’Eugénie Scrivaneck et de Maquet, avec qui il poursuit la rédaction du Comte de Monte-Cristo : « Devine avec qui j’étais hier dans une diligence? Avec M. Alexandre Dumas et une horrible fille, moitié prusse et moitié hollande, qui parlait un véritable charabia. M. Dumas et sa compagne venaient de prendre les bains de Trouville et de faire des romans. Il en rapportait m’a-t-il dit, pour huit ou dix mille francs qui l’attendaient chez lui ! [...] Voilà ce que c’est que d’être un homme de génie ! On bat monnaie ! On fait un volume par semaine à ce qu’il disait hier - Thune vholumeh pard schemeinhe, comme disait la compagne de M. Dumas », écrit J. Janin à sa femme le jeudi 29 août.

Il y revient une nouvelle fois en août et septembre 1867, habitant « avec sa fille une petite maison isolée et perdue près de l’église et ne voit personne […] À six heures du matin Dumas est levé, il prend place dans un grand fauteuil, s’y installe le mieux possible et […] il est là jusqu’à onze heures du soir, heure à laquelle il songera au repos. Il a mangé, bu, causé et ri sans se déranger, il a surtout dicté. Correspondances, théâtres, romans, articles, il a fait tout dans une journée […] C’est ainsi que Dumas vient de terminer La Terreur prusienne, un grand roman que commence La Situation ; qu’il poursuit Le 13 Vendémiaire, dans La Petite Presse, et qu’il en prépare un autre pour Le Petit Moniteur. »

Il assiste, tout habillé de blanc, à deux proverbes joués au Salon par Bressant et Madeleine Brohan. Il repasse brièvement par Trouville en août de l’année suivante, lors d’une excursion sur la côte bas-normande qu’il effectue à partir du Havre : « Trouville est devenu le bain de mer à la mode. Trouville l’emporte sur Dieppe, sur Le Havre, sur Étretat, sur Villers. Trouville le dispute à Biarritz. Je devrais être fier de voir grandir Trouville. Trouville c’est mon Amérique à moi, et j’ai cette ressemblance avec Colomb de ne pas avoir donné mon nom à ma découverte. » écrit-il alors dans une de ses Causeries sur la mer (Moniteur universel du soir, 24 août 1868).

Claude Schopp

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