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Victor Hugo (1802-1885) dédie en 1854 un poème à Alexandre Dumas, où il évoque leur séparation, quand l'auteur des Trois Mousquetaires l'a accompagné lors de son embarquement à Anvers pour l'exil dans les îles anglo-normandes
(photo ci-contre).

Merci du bord des mers à celui qui se tourne
Vers la rive où le deuil, tranquille et noir, séjourne,
Qui défait de sa tête, où le rayon descend,
La couronne, et la jette au spectre de l'absent,
Et qui, dans le triomphe et la rumeur, dédie
Son drame à l'immobile et pâle tragédie !
Je n'ai pas oublié le quai d'Anvers, ami,
Ni le groupe, vaillant, toujours plus raffermi,
D'amis chers, de fronts purs, ni toi, ni cette foule.
Le canot du steamer soulevé par la houle
Vint me prendre, et ce fut un long embrassement
Je montai sur l'avant du paquebot fumant,
La roue ouvrit la vague, et nous nous appelâmes.
- Adieu ! - Puis, dans les vents, dans les flots, dans les lames,
Toi debout sur le quai, moi debout sur le pont,
Vibrant comme deux luths dont la voix se répond,
Aussi longtemps qu'on put se voir, nous regardâmes
L'un vers l'autre, faisant comme un échange d'âmes ;
Et le vaisseau fuyait et la terre décrut ;
L'horizon entre nous monta, tout disparut ;
Une brume couvrit l'onde incommensurable ;
Tu rentras dans ton œuvre éclatante, innombrable,
Multiple, éblouissante, heureuse, où le jour luit ;
Et moi dans l'unité sinistre de la nuit.

Victor Hugo
Les Contemplations
Livre 5ème, 15
1854
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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